Jordanie : Jerash en 6 étapes ...

(en cours de rédaction, merci de revenir plus tard ....)

Je tiens à commencer cet article par une information importante: je mesure la chance que j'ai eu de passer autant de temps dans jerash ... pour un simple invité, visiteur et touriste, c'est un truc qui n'arrive pas souvent. Quand je dis "dans jerash" c'est à l’intérieur pour de vrai, avec l'équipe d'archéologues qui fouillent, je me suis fais tout petit, observateur ...

Maintenant, si je vous dis que vous avez la possibilité de visiter jerash en 6 fois, comment feriez-vous ?

Moi j'ai pris le plan de la ville (enfin, de la zone achéo), je l'ai divisé en 6 et j'ai fait mes 6 étapes tout simplement. En fait non, j'ai découpé en 4 et me suis réservé deux possibilités pour les extras "au cas où".

jerash-osm.png

Je commence par le nord et j'irais progressivement vers le sud. Je prévois de passer plus de temps autour du sanctuaire de Zeus où travaille l'équipe d'archéologues français dont je fais "un peu partie" ... au titre de ... photographe et premier fan pour quelques jours ? :)

Étape zéro : un peu d'histoire

Passage obligé avant d'aller plus loin, Gerasa a une longue histoire, je vous invite à lire le résumé wikipédia qui a de quoi faire sursauter tout archéologue connaissant Gerasa "pour de vrai" mais comme je ne me sens pas assez pro pour écrire quelque-chose de mieux je préfère que vous ayez au moins lu ce qui se trouve sur Wikipédia.

Et puis si j'ai des choses précise à dire j'irais les écrire la-bas, comme j'ai pu le faire pour quelques autres articles sur ce voyage Jordanien.

Le plan de la cité

Plan général

Première étape : le nord et nord-ouest de la ville

La porte Nord

Au nord on trouve donc ... le mur d'enceinte ... et la ... porte Nord ... et se trouve donc à l'extrémité Nord du Cardo (notez bien ce nom il va revenir souvent, c'est la rue centrale) ! Incroyable non :) Bon cette porte a un truc un peu exceptionnel: elle permet de faire la jointure entre deux axes qui ne sont pas tout à fait alignés : la voie romaine externe de la cité arrive un peu en biais par rapport à l'axe nord/sud du Cardo.

Ça doit sembler basique ou normal à certains mais moi ça fait partie des choses que je trouve assez géniales, je ne suis pas foutu d'aligner 10 vis pour une cloison alors vous imaginez que de penser à "corriger un axe" sur la taille d'une porte comme celle-ci ça a de quoi me rendre admiratif !

Vous pouvez le voir sur le schéma (4° photo ci dessous): les deux piles de la porte ne sont pas aussi épaisses et c'est ça qui permet le "correctif d'axe" ... quel boulot !

Quelques photos et illustrations de cette porte Nord.

Mise à part l'aspect architectural de cette porte, la mention à l'empereur Trajan est particulièrement intéressante.

Transcription du panneau présent sur le site de Jerash à côté de la porte Nord:

La Porte Nord et l'extrémité du Cardo 115 après J.C. - 749 après J.C.

Cette porte à une seule baie, par où passaient prétions, cavaliers et véhicules, marquait l'entrée principale de la ville au nord. Plus ancienne que la Porte Sud, comme le rappellent les deux inscriptions, encastrées dans les façades nord et sud, au-dessus de la rue, elle fut élevée en 115 de notre ère, en l'honneur de l'empereur Trajan "fondateur de la cité". Le plan très particulier de l'arc, trapézoïdal, permettait d'assurer un changement harmonieux d'orientation entre l'axe du Cardo et celui de la voie Gerasa/Adraa. Elle est, comme la Porte Sud, un arc inclus à posteriori dans l'enceinte de la ville.

Cet arc marquait l'extrémité nord du Cardo, très différent de sa partie méridionale, dans sa structure et son décor. La rue est ici beaucoup plus étroite et bordée de portiques de colonnes plus basses, d'ordre ionique, semblables à celles de la Place Ovale. De fait, la rue apparaît ici sous son aspect ancien, alors que la partie dus e été plus tardivement élargie et embellie avec des colonnes d'ordre corinthien. Implantée sur un terrain vallonnée, cette partie du Cardo a été établie sur de très importants remblais pour la rendre horizontale.

Tournons le dos à la porte nord et regardons vers le sud

Hop, on tourne le dos à la porte, nous sommes sur le Cardo. Et comme il fait beau ça donne de belles photos avec un ciel bien bleu. Je vous souhaite d'avoir un temps aussi beau si vous avez la chance d'y aller un jour vous aussi.

On arrive au premier croisement ... Le Tétrapyle Nord

Attention, ne perdez pas le nord, on arrive au 1er croisement qui va donc délimiter ma zone du 1er jour de découverte. C'est le Décumanus Nord qui traverse et comme ce sont deux axes importants hop on a un Tétrapyle ... oui, ça n'a rien à voir avec les ronds-points-géraniums de nos villes.

On tourne vers l'ouest sur le Décumanus Nord

Intersection entre le cardo et le décumanus nord. La porte Nord est en haut à gauche et le Tétrapyle en bas à droite

Je passe du temps sur toute la zone qui est à notre droite quand on passe de la porte Nord jusqu'au Tétrapyle. Ça tombe bien de commencer par là parce-qu'il semblerait que ça soit une zone un peu spéciale et un guide spécial sera nécessaire pour que j'en comprenne quelques éléments.

Pour commencer, le Décumanus nord est une petite merveille de conservation comme vous pourrez le lire sur le panneau d'information :

Le Décumanus Nord: vers 160 après J.C.

Cette rue, passant sous le Tétrapyle Nord, a été dégagée entre les Thermes de l'Ouest et le Théatre Nord. La partie séparant le Théatre Nord et la Zone Agora/Basilique est l'une des mieux conservée de Gerasa. La structure bombée de la chaussée ainsi que son dallage sont admirablement préservés. Plusieurs des bouchons des regards de l'égout axial ont même conservés leurs anneaux de legave en fer.

Les portiques ioniques bordant la chaussée, semblent identiques à ceux de la partie Nord du Cardo. Toutefois, ils ne datent pas du règne de Trajan mais sont plus tardifs. Ils correspondent probablement au réemploi des colonnes des anciens portiques de la partie centrale du Cardo, démontés dans la 2° moitié du IIeme siècle lors de l'élargissement et embellissement de la partie centrale de la rue principale.

La Zone Agora / Basilique

Enfin, lorsqu'on est sur le Décumanus Nord et qu'on tourne la tête à droite en direction du nord (c'est donc la zone visible sur la photo du début de ce chapitre) nous avons donc affaire à la zone Agora/Basilique qui a une histoire un peu particulière.

À première vue ça semble être une zone où plein de blocs de pierre sont stockés en attendant d'être réutilisés ... et c'est une zone qui n'a pas été fouillée.

Heureusement qu'on trouve un peu de documentation pour comprendre ce qu'on a sous les pieds. Nous sommes donc dans la partie "vie civile" de la cité

L'agora et la Basilique civile Vers 130 après J.C. - fin du IIIe siècle après J.C.

Face au Théatre Nord/Bouleuterion, dans l'angle Nord-Ouest formé par le Cardo et le Decumanus Nord, s'étend un vaste espace plan de plus de 10 000 m². Bien que cette zone n'ait pas été fouillée, deux structures remarquables ont pu être identifiées.

À l'ouest, quelques sondages ont permis de mettre au jour les vestiges d'une grande salle de plus de 20 mètres de large et 100 mètres de long. Les éléments conservés (long mur à pilastres, portiques intérieurs, inscriptions officielles ...), permettent d'y voir une basilique civile, grand bâtiment public utilisé pour les meetings, discussions politiques et judiciaires ou encore pour la conservation des archives.

L'espace adjacent à l'Est, était accessible par trois portes ouvrant sur le Cardo et une ouvrant sur le Decumanus Nord. Il pourrait correspondre à l'Agora, grande cour de réunion à ciel ouvert, généralement associé aux basiliques civiles. L'ensemble Agora, Basilique et Théâtre Nord/Bouleuterion, correspondrait alors au centre civique de la cité, selon un schéma bien attesté dans le monde gréco-romain.

La Basilique et l'Agora, peut-être conçues dès le règne de Trajan et réalisées sous celui d'Hadrien, semblent avoir été détruites par un violent incendie à la fin du IIIe siècle, probablement consécutif au raid des pillards qui saccagèrent également la partie sud de la ville.

Le Théâtre Nord

Tournons maintenant le dos à la Zone Basilique / Agora tout en restant sur le Décumanus Nord ... on regarde donc plein sud, vous me suivez ? Bon, on a face à nous un truc assez génial mais je vais m'en tenir aux informations officielles de peur de déformer les informations que j'ai eu par oral et que ma mémoire n'a pas forcément complètement intégrée.

Le Théatre Nord

Vers 130 après J.C - 749 après J.C.

Le Théatre Nord de Gerasa est explicitement désigné comme étant un "odeion" dans la grande dédicace courant sur l'architrave de la scaenae frons (bâtiment de scène non restauré). Il était donc destiné à accueillir des récitals de musique, des déclamations poétiques etc.

Cependant, dans un premier temps, il fut limité à un simple mur de scène percé de trois portes monumentales et à une cavea réduite (ensemble de sièges en hémicycle). Il accueillait les réunions de la boulé (conseil municipal) et d'une autre assemblée, à la proportionnelle, des représentants des douze tribus civiques de la cité, comme les inscriptions gravées sur les sièges en portent témoignage. C'est actuellement le plus bel exemple connu au monde où de telles informations sur l'organisation de la vie civique d'une ville antique sont conservées. Sa date de construction n'est pas connue mais peut être placée sous le règne de l'empereur Hadrien, peut-être même Trajan.

Ce bouleutérion fut agrandi et transformé en odeion en 165/166 de notre ère. Il fut alors doté de rangées de sièges supplémentaires et d'un velum, couverture amovible, en toile, sur câbles tendus.

Abandonné, il fut réoccupé par des potiers à l'époque omeyyade avant d'être ruiné par le tremblement de terre de 749 après J.C.

Les églises du secteur nord

C'est un truc que j'ai trouvé absolument époustouflant, c'est le mélange complet des cultures et des cultes : sur un même emplacement géographique on retrouve entassés plein d'édifices consacrés à des religions ou des cultes différents. Replacés dans l'histoire tout s'explique mais quand on visite on observe tout ça côte à côte ... j'ai pris des heures pour tourner la tête à gauche: une église, à droite, un temple, au milieu l'agora / basilique / temple nord ... magique ! Allez juste pour le plaisir je retourne la tête à gauche, j'essaye d'imaginer un évêque, je regarde au centre et "vois" un char entrant dans la cité par la porte nord au milieu du brouhaha ambiant, tourne la tête à droite et imagine ce qui peut se passer dans le théatre ... on change d'époque, au même endroit cette fois-ci ce sont des potiers ...

Je peux vous dire un truc il faut faire oeuvre d'imagination et c'est enivrant.

L'archéologie est une science en plusieurs dimensions, l'espace, le temps, le volume, la profondeur, les strates ... et quand on y ajoute des compétences complémentaires (exemple architecture, ou numismate ou ... ) c'est une évidence : c'est passionnant !

Église de l'évêque Isaïe

558/559 après J.C. - 749 après J.C.

Cette église, découverte en 1983, est l'une des vingt-trois églises d'époque byzantine actuellement connues à Gerasa

Construite "en 621 (558/559 ap. J.C.) ..., au temps de l'évêque Isaïe", selon un plan à trois nefs séparées par des rangées de colonnes ioniques provennt d'édifices d'époque romaine, elle est surtout remarquable par ses riches pavements de mosaïque. Ces derniers ont soufferts des crises iconoclastes du VIIIe siècle et la plupart des figures animales et humaines ont été détruites.

À l'ouest, un atrium (cou entourée de portiques, non fouillée) précédait les trois entrées de la façade principale du monument. Tardivement, ces portes ont été murées, l'entrée principale de l'église étant reportée sur sa face sud où existait une autre cour à portiques. L'ambon et le chancel, partiellement conservés au moment des fouilles, n'ont pas été restaurés.

Le bâtiment était en travaux (réparations) lorsqu'il fut détruit par le séisme de 749 ap. J.C. Tout porte donc à creoire que cet édifice, comme la plupart des églises de Gerasa, était encore en usage par des membres de la communauté chrétienne à la fin de l'époque omeyyage.

Étape 2 : le nord-est de la ville

Là encore je commence facile car au Nord-Est ça n'a pas été beaucoup fouillé non plus ... et je ne sais de cette zone que ceci: on y trouve les bains "ouest" ... peut-être aurais-je du "sortir" de la zone archéologique pour traverser la rue et voir de l'autre côté de la rivière ce qui s'y trouve. À vrai dire j'avais prévu de le faire mais mon emploi du temps a été un peu chamboulé.

Les Thermes de l'Ouest

Sur site, c'est une zone qui donne l'impression d'être un peu en friche: des arbustes, beaucoup de blocs de pierre dans tous les sens, quelques petits chemins tassés par de nombreux passages ... bref, un endroit où il faut aller avec des chaussures de marche.

Ha oui, cher lectrice / lecteur, toi qui est attentive / attentif et super doué(e) en géographie tu peux me dire pourquoi ce sont les thèmes de l'ouest alors qu'on est à l'est du Cardo ?

La réponse est simple, il y a deux zones thermales: l'une à l'est du "wadi jerash" (le wadi étant l'équivalent de cours d'eau, ruisseau, mais vu que t'a déjà lu mon compte rendu sur Pétra tu le sais déjà). Bref là je présente donc bien les bains qui sont à l'ouest du wadi ... le Cardo n'étant pas (toujours) le centre du monde :o)

Les Thermes de l'Ouest

II° siècle après J.C. - 749 après J.C.

Les thermes dits de l'Ouest correspondent au plux ancien des sept établissements de bains publics actuellement connus sur le site. Ils n’ont pas été fouillés mais leur phase ancienne peut-être datée du tout début du II° siècle, voir même de la fin du Ier siècle. De plan typiquement romain, ils comprennent un bâtiment consacré aux bains construit au centre d'un cour entourée de portiques. Cette vaste cour, appelée palestre, permettait aux baigneurs de se détendre et/ou de pratiquer des exercices sportifs après et avant de rejoindre les salles froides, tièdes et chaudes du bâtiment thermal.

Primitivement limité à trois grandes salles, le bâtiment thermal fut considérablement agrandi au IIIe siècle suivant un plan symétrique, dit "impérial". Les thermes romains sont bien connus pour leurs extraordinaires voûtes en maçonnerie. Le monument de Gerasa est particulièrement remarquable par les coûtes en pierre, beaucoup plus exceptionnelles et difficiles à construire couvrant les différentes salles froides et chaudes du secteur thermal, en particulier les coupoles sur pendentifs. L'une d'elle a traversé les siècles et est parfaitement conservée. C'est la plus ancienne structure de ce type encore in situ connue au monde.

Voilà qui termine ma découverte de la zone "nord" de Jerash ... cette seconde étape m'ayant pris beaucoup de temps pour peu de photos ou d'informations mais maintenant vous savez pourquoi.

Étape 3 : au centre ... attention les yeux et les neurones

Le sanctuaire d’Artémis

C'est à priori la zone sur laquelle a été déployée le plus de moyens humains et financiers depuis des années ... Mais il reste beaucoup de question quand à son emplacement géographique au sein de la cité de Gerasa qui est à un endroit peu classique par rapport à l'organisation habituelle des cités romaines.

Ce que je peux vous dire en tout cas c'est que ça devait être gigantesque ! En effet, depuis le cado le temple n'était pas visible, seule la grande "porte" et un escalier monumental, plus on monte les marches et plus on découvre le sanctuaire d'Artémis ... c'est une chose à vivre. Mon conseil ? laissez passer la foule, attendez qu'il n'y ait plus personne, fermez les yeux et imaginez vous en romain de l'époque, centurion ou citoyen, choisissez votre personnage et allez-y, gravissez les marches et laissez vous emporter !

Vers 135 après JC- 749 après JC, XII eme siècle

Le sanctuaire d'Artémis est, après les Grands Thermes de l'Est, le plus vaste moniment de Gerasa. Son plan est dit "syrien", c'est à dire que le temple se dresse au milieu d'une vaste cour (115 m sur 155 m) entourée de portiques sur ses quatre côtés.

Implanté au centre de la ville, tangentiellement au Cardo, sur une colline dominante, il était accessible depuis l'est par un formidable dispositif d'accès. Depuis le Cardo, les adorateurs de la déesse devaient franchir un propylée monimental et monter un double escaler de 30m puis 110m de large, terminé par un portique de 120m de large. À l'arrière de ce portique, une triple porte monimentale permettait aux fidèles d'accéder enfin à la cour du sanctuaire et de voir le temple dédié à Artémis.

Bien que le culte d'Artémis soit attesté à Gerasa dès le 1er siècle après JC aucun vestige antérieur à 135 de notre ère et attribuable au culte de la déesse n'a, pour le moment, été retrouvé sous cet ensemble monumental. Il est probable que le sanctuaire, consacré en 150 après JC fut édifié à l'emplacement d'une ancienne nécropole, sur ordre de l'empereur Hadrien.

Abandonné à partir du milieu du Veme siècle, il fut transformé en carrière et squatté par des potiers à l'époque omeyyade.

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