Une page se tourne : 16 années "en indépendant"

Note: Il est probable que je repase de temps en temps sur ce billet pour l'actualiser, j'ai du mal à le mettre en forme et c'est écris encore un peu trop "avec les tripes"

Bon, je ne peux pas ne rien dire ça laisserait croire que je m'en fous ... c'est loin d'être le cas. RyXéo est en liquidation judiciaire et le mois 1/2 qui viens de se passer a été assez intense et chargé émotionnellement, aussi étrange que ça puisse être c'est la seule dimension qui m'intéresse, tout le reste n'est que matériel ou accessoire, ce qui reste ce sont les émotions, ce qui m'impacte, me modifie, me change, me retourne les tripes, me fait évoluer, bouger, c'est ça, mes émotions c'est mon carburant. Je peux en parler d'autant plus librement aujourd'hui que mes propos ne risquent plus d'impacter la trajectoire et ma société. Je sais aussi que beaucoup croient que je ne suis pas capable d'avoir des émotions, à priori il semblerait que je sache les cacher, la raison en est assez évidente, c'était mon talon d’Achille autant que ma force.

Alors voilà, je remonte le temps, me voici en 1999/2000, je sors de l'IUT Info de bordeaux, trouve un petit boulot dans une micro-entreprise de 3 personnes sympa à St Vincent de Tyrosse, j'y bosse moins de 6 mois, juste assez pour risquer de mourir dans un accident de voiture et me dire que c'est pas de cette vie que je veux.

Je m'inscrit à l'ANPE mais pas aux assedic, c'était une époque où on pouvait dire "je cherche du boulot mais je n'ai pas besoin d'argent" ... moi c'était pas trop que j'en avais pas besoins mais plus que j'estimais que je n'avais pas à vivre "au crochet" de la société, jeune en bonne santé et sachant faire plein de choses de mes dix doigts, je laisse ma place aux assedic à quelqu'un qui en a vraiment besoin, une personne qui n'a pas ma chance.

Il faut savoir que j'ai été boursier pendant mes études et j'estime avoir déjà une sorte de dette vis à vis de la société. C'est d'autant plus vrai que je ne peux pas continuer mes études en IUP Télécom&Réseau du fait que je redoublerais (il faut reprendre à bac+2) et j'ai déjà redoublé une fois (quelques errements à la fac), les bourses n'acceptent pas de doubler deux fois. Mon attirance et ma curiosité pour les réseaux informatiques devra donc être assouvie par autre chose que les études classiques.

Après cette expérience landaise j'ose me mettre à mon compte, "tout seul" avec "zéro francs en poche" ... et débute la belle vie, celle où je bosse un peu et je m'occupe (beaucoup) de moi et passe du temps avec ma famille, lorsqu'il y a du vent: direction le plan d'eau pour faire du funboard, et s'il fait beau et qu'il y a de la neige ? alors direction la montagne, vous voyez facilement le style de vie.

Quelques années plus tard je fais l'erreur monumentale de transformer ça en société, puis viens le 1er salarié et l'enchaînement des obligations, j'avance à coups forcés, je ne veux pas faire ce que je suis obligé de faire mais je me laisse faire en voyant le "bien commun" au dessus de mon bien personnel et je positive, je trouve des bons côtés mais bon sang la facture est salée. Je rêve d'un idéal que je frôle de temps en temps et à chaque fois qu'il me semble à porté de main pfiuuu il s'envole, une tuile, une grosse tuile à chaque fois. J'ai mis le genoux à terre à plus d'une reprise et je me suis toujours relevé, j'en ai bavé, j'ai serré les dents et années après années je me suis éloigné du grand air, de la nature, des choses essentielles que j'aimais tant. J'ai passé des moments magiques, intenses en émotions, que j'ai pu partager avec des gens géniaux. Ça ne me serait pas forcément arrivé si j'étais resté en solo.

Ça amènera certains à me dire des choses assez drôles à mon sujet, qui m'ont finalement fait vachement rire ... dans tous les cas ce que je peux dire c'est que j'ai souvent fait assez exprès d'être "le nez dans le guidon" car comme on dit "quand on courre on ne se demande pas pourquoi on courre" ... et je n'ai pas compté les nuits et les week-ends passés à bosser. Au final c'était surtout que le soir et le week-end je fais mon vrai métier et le reste du temps, pendant mes heures d'entreprise je passe la plus grande partie de mon temps à "gérer des problèmes" plutôt que de faire mon vrai métier. C'est un comble, je créé mon entreprise et je ne fais pas mon boulot, je le délègue à quelques-uns ...

Au fond de moi je ne sais pas vraiment ce qui m'a fait tenir, un peu de rêve, beaucoup d'utopie, plein de folie et un peu de volonté et peut-être aussi une envie de prouver je ne sais quoi à je ne sais qui, prouver à la Terre entière qu'il est possible de vivre correctement en développant des logiciels libres pour les écoles ? sans aucun doute. Peut-être devenir une sorte d'exemple, j'essaye de prouver par la réalité et non par des discours. Faites ce que je fais, regardez, c'est possible. Un gros délire de faire un pied de nez à toutes celles et ceux qui m'ont toujours tenu le discours de "ça ne marchera jamais" ... just-do-it !

Et c'est possible de faire ça sans vivre comme un anarchiste dans sa caravane en mode survie. À ce sujet je pense à un grand guru du logiciel libre qui - à mon avis - ne véhicule pas une image qui donne envie à des gens de se lancer dans le domaine, alors que le petit jeune qui a inventé le kernel linux lui a une vie qui donne envie ...

Toute cette histoire m'a beaucoup apporté, m'a beaucoup coûté aussi, sans doute une personne normale ferait un bilan très noir, très terne, très négatif de ce que j'ai traversé ... car il ne me reste ... rien ? n'étant pas salarié, je n'ai pas de chômage, pas d'indemnités de rupture ... nous devions transformer ryxéo en S.A.S. et me salarier ... nous sommes morts trop tôt, c'est vraiment pas de bol ! Certaines ont même pensées pendant un moment que j'allais tomber dans une sorte de dépression profonde, ce n'est pas le cas !

Au final il ne me reste donc pas grand chose, mais je suis d'un naturel positif, combatif et j'arrive à oublier assez vite les crasses et coups bas qu'on peut me faire, je suis bien plus triste et je me souviens de tous les mauvais coups et chaque fois que j'ai fait mal à autrui sans que ça soit délibéré bien entendu (je n'ai pas mémoire d'avoir fait volontairement une crasse à quelqu'un). J'en suis navré et c'est ce petit côté mélancolique que certains d'entre vous connaissent chez moi, c'est que par moment je me souviens d'une situation "pas cool".

J'aime beaucoup la phrase suivante: "il y a ceux qui rêvent du verbe être et les autres du verbe avoir", au final voulez vous "être" quelqu'un ou voulez-vous "avoir" quelque-chose ? ou un peu des deux ?

Tant que j'y suis, je repense à celle-ci, c'est la phrase qui résume pas mal la majorité de ces années ? "trop bon, trop con". Et je peux la décliner à l'envie avec des tonnes d'exemples.

Aujourd'hui je sais de quoi je suis capable, je sais aussi ce que je ne veux plus. Je sais que je peux partir en vacances et oublier totalement les dossiers en cours, c'est peut-être à cause de ça que RyXéo a finis par couler ? je me suis désengagé de certaines choses, j'ai laisser couler le navire. J'ai aussi frôlé le burnout, enfin s'il existe différentes variantes de burnout je pense même que j'ai été en plein dedans, sauf que j'ai trouvé deux occupations clairement anti-burnout, merci Philippe je crois que tu n'a pas idée de ce que tu m'a offert en me permettant de mettre la tête sous l'eau au sens propre.

Merci aussi à la culture du sport qui m'a façonné (pas tant au niveau physique mais bien plus mental, comme force de caractère et comme école de la vie, on peut gagner mais ça demande du boulot et de l'endurance, un engagement réel) pendant toute mon enfance, ça apporte des ressorts incroyables, ça permet de savoir s'écouter et trouver des moments pour recharger les batteries, j'ai la chance d'avoir une période de récupération qui est visiblement assez courte. À propos du sport, j'ai écris un billet que je n'ai jamais publié sur ce blog qui expliquait qu'en fait la gestion d'entreprise était une sorte de sprint-marathon où on demande au sportif d'être expert dans une discipline et hop magie demain ça sera un autre sport dont vous n'avez jamais entendu parler.

Je me fixe un dernier job, faire en sorte qu'AbulÉdu survive à RyXéo ... c'est le projet que j'ai inventé, conçu de toute pièce et fabriqué avec l'aide de beaucoup de gens dans plein de technologies différentes. Je n'ai pas le droit de le planter comme j'ai laisser RyXéo couler. RyXéo était conçu comme une sorte de "coquille vide" permettant juste de mettre des ressources à disposition d'AbulÉdu, je me souviendrais toujours du 1er bilan avec notre dernier cabinet d'expert comptable "mais enfin, cher client pourquoi avez vous des gens qui développent des logiciels gratuits ? et les graphistes mais foutez-moi tout ça à la porte ça coûte horriblement cher et ça ne rapporte rien" ...

Un peu plus de 200.000€ chaque année investis dans AbulÉdu, je me dis que c'est pas si mal.

Et au milieu de tout ça j'ai rencontré quelques personnes qui m'ont données envie de me battre, de relever plein de défis, vous avez cru en moi comme j'ai cru en vous et ensemble on s'est surpassés, ça n'a pas été suffisant, quel dommage.

Dommage est le maître mot de toutes ces dernières années mais il ne faut pas être amer et encore moins aigris. La vie est belle, il suffit de savoir où regarder.

Triste, c'est ce que je ressent quand je pense à mes clients et écoles qui se retrouvent du jour au lendemain le "bec dans l'eau" et pour certains dans des situations d'installations pas terminées.

Solitaire ou Isolé, c'est le maître mot du patron, personne ne viendra vous dire si vous avez fait du bon ou du mauvais boulot, vous devez tenir ce rôle pour les autres mais c'est tout. Sauf exception vos salariés ne seront pas vos potes, à moins de tomber sur des gens humainement "complet" et stables. Partager vos angoisses de patron, vos questions et autres interrogations, trouvez-vous un lieu pour ça, un club d'entrepreneurs, un cercle d'amis ... peu importe mais trouvez un endroit pour en parler, un blog pourquoi pas si vous avez ou pas besoin d'un "retour".

Voilà, ce billet est un peu brouillon, c'est peu commun que je m'étale autant sur le web mais je ne pouvais décemment pas ne rien dire à propos de ces 16 années d'entrepreneur "indépendant" enfermé dans les griffes du RSI ces dernières années.

J'ai appris beaucoup, j'espère avoir apporté plus de choses positives que négatives, j'espère ne pas avoir être un marchand de rêves, j'espère avoir donné envie à d'autres de prendre le risque de se lancer , j'espère avoir un peu contribué dans la bonne direction.

La dernière semaine de RyXéo a été étrange, et après celle-ci, j'ai décidé d'être joyeux, heureux, fondamentalement, au plus profond de moi. Ça bouillonne, d'un côté je "devrais" être triste comme un cailloux compte tenu de ce qui s'est passé, d'avoir grosso-modo 8 emplois perdus et ne rien retirer de plus de 15 années de vie professionnelle .;; mais voilà j'ai placé le curseur sur RAF ou VRAF ou PRAF, le voyage au Cambodge m'a permis d'être clair sur beaucoup de détails de ma vie personnelle (de mon "moi" profond comme diraient certains) et il n'y avait vraiment plus que quelques personnes dans RyXéo qui me "retenaient" à ma vie "actuelle", Ce n'est plus le cas, je change de cap, de méthode, de manière d'aborder les problèmes, la page se tourne, laissez moi la tourner, n'essayez pas de me retenir dans le moule que vous m'avez construit ou contribués à construire depuis plus de 10 ans, j'ai souvent dit que j'étais pas la bonne personne pour ce costard, c'était vrai.

Il y a ce qu'on peut être et ce qu'on souhaite être. Juste pour essayer j'aurais bien poussé le curseur jusqu'à une entreprise dont chaque métier aurait été partagé par deux ou trois personnes histoire de voir si c'est toujours aussi galère ou pas ... à 6-8 personnes j'avais la sensation permanente d'être le pompier appelé en urgence pour la moindre connerie. D'être "indispensable" au fonctionnement de la structure ... j'aurais bien voulu voir si la taille critique passée le patron change de rôle et peut assurer le pilotage et mettre juste de l'huile dans les rouages sans être dans l'opérationnel idiot et dérangé 20 fois par jours pour des questions ... basiques. N'ayant pas été à cette taille d'entreprise je ne saurais pas si je peux et souhaite avoir ce rôle un jour.

L'étiquette "directeur général" d'une boite de moins de 10 personnes était drôle et ne me manquera pas. Je me souviens de l'époque où nous étions tous directeurs, la grosse blague :o)

Maintenant que tout ceci est posé ce blog peut reprendre sa vie normale.

QR code
Send to friend

Commentaires

24 juin 2016 11:19

chalut, pendant la lecture de ton post j 'ai ressentit plein d émotions différentes, je suis attristé par la fin de ryxéo même si en lisant bien, je me demande si c 'est pas un mal pour un bien pour toi. La maison est toujours ouverte si tu veux faire un breack à la montagne au milieu des moutons ;-) bises seb

lou pastre
21 janv. 2017 16:34

bonjour, très émue à la lecture de ce "billet", j'ai été heureuse d'être votre employée et garde un bon souvenir de RyXéo. je vous souhaite une bonne continuation dans tous vos projets plongée, voyages etc...
Ghilaine

ghighi

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.